Suite aux campements sur les terrains de l’Université McGill afin de protester contre la guerre à Gaza et de demander à cette dernière de rompre ses liens avec les entreprises qui, selon les manifestants, la soutiennent, deux étudiants de cette même université ont tenté d’obtenir une injonction provisoire afin de faire cesser ces campements en attendant le jugement sur le fond.
Décisions rendues le 1er et le 15 mai 2024
Medvedovsky c. Solidarity for Palestinian Human Rights McGill (SPHR McGill), 2024 QCCS 1518; McGill University c. Association McGillienne des Professeur.e.s. de droit (AMPD), 2024 QCCS 1761
Affaires étudiantes – Manifestation – Liberté d’expression– Injonction provisoire –Université – Étudiants – Liberté de réunion pacifique – Urgence – Balance des inconvénients – Préjudice irréparable – Campement
Faits
Deux étudiants de l’université McGill ont intenté un recours afin de faire cesser toutes les manifestations qui se déroulent sur les terrains de l’université. Ces derniers ont également demandé une injonction provisoire afin de faire cesser les activités des manifestants en attendant le jugement final.
Les étudiants justifiaient cette demande par leur crainte des manifestants sur le campus. En effet, ils disaient se sentir en danger et craindre pour leur sécurité. Ainsi, les étudiants évitaient de se rendre à l’université, même pour des cours, par crainte.
Analyse
Le tribunal n’a pas accordé l’injonction provisoire aux deux étudiants. Pour accorder une telle injonction, trois éléments doivent être réunis. Tout d’abord, il doit y avoir une démonstration d’une urgence, c’est-à-dire une situation pressante qui nécessite une action immédiate. Ensuite, les demandeurs doivent avoir une apparence de droit, donc ils doivent, à première vue, avoir un motif valable de s’adresser au tribunal afin d’obtenir ce qu’ils demandent. Finalement, les demandeurs doivent subir un préjudice irréparable si l’injonction ne leur est pas accordée et l’octroi de l’injonction doit produire moins d’inconvénients pour les parties que le statut quo.
Les étudiants n’ont pas réussi à démontrer que la situation était urgente. En effet, leurs craintes pour leur sécurité et leur intégrité étaient basées sur des perceptions majoritairement subjectives. Rien n’indiquait que, objectivement, leur sécurité ou leur accès aux bâtiments de l’université étaient compromis. Cette simple conclusion permettait au tribunal de refuser l’octroi de l’injonction provisoire, mais, pour les besoins de la cause, ce dernier a également analysé les autres critères.
Le tribunal doit aussi croire à une apparence de droit afin d’octroyer une injonction provisoire. Ainsi, les étudiants devaient prouver, à tout de moins, que leur demande était appuyée sur un droit qui pouvait être sérieusement analysé. En l’occurrence, ils cherchaient à interdire les manifestations à moins de 100 mètres des entrées et sorties des bâtiments de l’université, ce qui est très large et qui était susceptible de brimer d’avantage les droits des manifestants que les leurs. Le critère de l’apparence de droit n’était donc pas rempli.
En dernier lieu, le tribunal devait analyser la balance des inconvénients ainsi que le préjudice irréparable pour les étudiants. Accorder l’injonction provisoire brimerait considérablement les droits à la liberté d’expression et à la réunion pacifique des manifestants selon le tribunal, d’autant plus que les préjudices allégués par les étudiants demandeurs relevaient majoritairement d’interprétations très subjectives d’événements. Il ne s’agissait pas de « craintes précises et sérieuses pour leur sécurité » (paragraphe 42 de la décision). En conséquence, les préjudices allégués par les étudiants n’étaient pas suffisamment concrets et irréparables pour permettre l’octroi d’une injonction provisoire. Par ailleurs, la balance des inconvénients ne favorisait pas non plus leur demande en raison des droits des manifestants à la liberté d’expression et de réunion pacifique qui supplantait les préjudices allégués.
Quelques jours plus tard, l’Université McGill a également déposé une demande d’injonction provisoire afin d’obtenir une ordonnance de démantèlement des camps des manifestants sur ses terrains. La conclusion du tribunal, quant à cette demande, a été la même que celle rendue quelques jours auparavant: il n’y avait pas d’urgence et aucun événement violent ou grave ne s’était produit. Ainsi, le tribunal ne pouvait pas accorder une injonction provisoire afin de faire cesser les manifestations et les campements sur les terrains de l'université.
Pour obtenir une injonction provisoire, il est impératif de remplir tous les critères établis par la jurisprudence. Il doit y avoir urgence, apparence de droit et un préjudice irréparable ainsi que la balance des inconvénients penche vers l’octroi de cette injonction. Par ailleurs, le préjudice allégué doit être raisonnable et objectivement justifiable, sans quoi la demande d’injonction provisoire risque d’être rejetée, faute de préjudice sérieux ou irréparable.
Commentaires
Le tribunal n'a seulement statué sur les demandes d’injonction provisoire. Nous sommes en attente du jugement sur le fond de l’affaire.
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