Un professeur obtient l’annulation de la décision de refus d’agrégation alors qu’il ne satisfait pas au critère de la recherche.
Sentence arbitrale rendue le 13 juin 2019
Syndicat des professeurs et professeures de l'Université Laval (SPUL) et Université Laval (Carlos Ordas Criado), 2019 QCTA 496
Ordonnance de sauvegarde – Agrégation – Rupture du lien d’emploi - Publication de recherches – Période d’approbation
Faits
Un professeur est embauché par une université à titre de professeur adjoint. Durant sa période de probation, il est également recruté pour travailler à la Chaire aéroportuaire. Celle-ci subit de nombreuses difficultés, obligeant le professeur à s’y investir pleinement jusqu’au dépôt du rapport final. Cet investissement l’oblige à demander des dégagements.
Son dossier de publication étant insuffisant pour satisfaire aux critères permettant de demander une agrégation, il obtient à deux reprises des prolongations de son contrat.
Il présente ensuite son dossier d’agrégation. Le directeur du département sollicite des avis externes sur les publications du professeur mais ne prend pas en compte ceux qui ont trait à un article qui n’est pas encore publié.
Le directeur, afin de soumettre une recommandation au sous-comité chargé de statuer sur la demande d’agrégation, a recours à des documents qui ne figurent pas au dossier du professeur et refuse la demande d’agrégation.
Le sous-comité refuse la demande d’agrégation au motif que le professeur ne rencontre ni les exigences en matière d’enseignement, ni celles relatives à la recherche. Les évaluations des étudiantes sont, en effet, inférieures à la moyenne et ses publications sont insuffisantes.
La partie syndicale demande l’annulation de la décision de refus d’agrégation alléguant que celle-ci est entachée d’erreurs et réclame une ordonnance de sauvegarde provisoire en attendant qu’il soit statué sur le refus d’agrégation. À défaut de celle-ci, le professeur perdrait son bureau, ses équipements, ses subventions ainsi que la supervision de ses étudiants, alors même que l'arbitre n'a pas encore tranché la question de l’agrégation.
L’arbitre refuse l’ordonnance de sauvegarde provisoire, les critères n’étant pas tous remplis. Un an plus tard, lorsqu’il statut sur la demande principale, il considère que le refus d’agrégation est inéquitable et déraisonnable et ordonne l’octroi l’agrégation.
Analyse
Sur l’ordonnance de sauvegarde
Une ordonnance provisoire de sauvegarde est une mesure exceptionnelle pour laquelle il faut démontrer de manière cumulative : l’apparence de droit ; un préjudice sérieux et irréparable ; la balance des inconvénients.
En l’espèce, le professeur fait état d’erreurs dans la décision de refus d’agrégation, telle que la prise en compte d’éléments extérieurs à son dossier. En apparence, son grief a donc des chances de succès. Du côté du préjudice, le sérieux de celui-ci ne pose pas de difficulté face aux nombreuses pertes qu’il subirait. En revanche, l’arbitre estime que l’énumération de ces préjudices ne démontre pas en quoi ils sont irréparables.
Les critères ne sont pas remplis. L’ordonnance provisoire de sauvegarde n’est pas accordée et le professeur perd l’accès à son bureau, ses subventions et la supervision des étudiants.
Sur le refus d’agrégation
Le refus doit se fonder sur les éléments mentionnés dans le dossier et ne doit pas reposer sur des éléments extérieurs. Quant au critère quantitatif, si le nombre de publications nécessaires n’est pas atteint, cela justifie le refus d’agrégation. L’arbitre n’a pas le pouvoir de refaire les critères.
En l’espèce, le critère de l’enseignement est « partiellement satisfait ». Le directeur s’est fondé sur des éléments extérieurs au dossier. Ainsi, l’appréciation de ce critère doit être annulée. Toutefois, ce n’est pas sur celui-ci que se fonde le refus. Il ne justifie donc pas d’annuler la décision.
L’arbitre ne pouvant pas modifier le critère de la recherche, il l’apprécie « avec ouverture ou pour éviter « un cas aberrant » » (paragraphe 125 de la sentence arbitrale). Il considère que l’évaluation du professeur est bonne et que le seul reproche est le manque d’une publication. Au moment de la demande, des avis externes font état de la qualité et du stade d’avancement d’un prochain article du professeur. Cet article est au stade de la révision.
L’arbitre considère que le refus d’apprécier ces avis est déraisonnable et produit un effet inéquitable, d’autant plus que si cet article avait été publié, la demande d’agrégation aurait été acceptée puisque tous les autres critères sont remplis. Il était possible de convenir de recommander l’agrégation sous condition de l’acceptation de son article avant la fin de l’emploi.
Par conséquent, l’arbitre, après avoir annulé la décision, n’ordonne pas de reprendre le processus mais octroie l’agrégation.
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