Un directeur de département congédié ne peut pas être représenté par le syndicat dans un grief pour contester son congédiement.
Sentence arbitrale rendue le 13 juillet 2020
Syndicat des professeurs et professeures de l’Université Laval (Jean Gosselin) c. L’Université Laval, 2020 QCTA 328
Congédiement sans cause juste et suffisante – Convention collective – Droit applicable – Jugement sur la compétence – Grief – 124 Loi sur les normes du travail – Professeur – Université – Directeur de département – Règlement – Contestation – Procédure – Allégations – Suspension pour enquête
Faits
Dans cette décision, un arbitre doit juger de sa propre compétence pour entendre un grief.
Durant son deuxième mandat de directeur de département, un professeur d’université est suspendu aux fins d’enquête. Il est soupçonné de manquements à ses obligations, d’harcèlement psychologique et de manquements à la conduite responsable en recherche. L'université lui indique l’option de démissionner de son poste de directeur pour bénéficier de la représentation syndicale en tant que professeur. Le directeur n’exerce pas cette option.
L’enquête révèle que des allégations de harcèlement psychologique sont avérées. Ainsi, l’université met fin à l’emploi du directeur en le congédiant. Ce dernier conteste ce congédiement en vertu de la Loi sur les normes du travail et de la convention collective des professeurs. Le syndicat souhaite ainsi représenter le professeur contre l’université devant un arbitre de grief. Toutefois, l’Université s’oppose à la compétence de l’arbitre, puisqu’elle indique que la convention collective des professeurs ne s’applique pas au directeur de département congédié. Ainsi, l’arbitre doit juger sur sa propre compétence.
Analyse
En remplissant la fonction de directeur de département, le professeur ne fait plus partie de l’unité de négociation, il ne paie plus les cotisations syndicales. Il ne peut ainsi pas être représenté par le syndicat des professeurs et le grief ne lui est pas accessible.
Le litige est au fait que le directeur congédié indique qu’il demeure professeur durant la durée de son mandat et qu’il l’est demeuré au moment de son congédiement.
À l’Université Laval, les directeurs de département sont nommés par le Conseil d'administration de l’université et ils font partie de la direction de celle-ci. Quant à leurs conditions de travail, ils ne sont pas assujettis à une convention collective, mais au Règlement sur les conditions de travail des professeurs-administrateurs. Ils sont exclus de l’accréditation syndicale. Bien entendu, ce règlement prévoit que les directeurs continuent de bénéficier des conditions de travail des professeurs, avec les adaptations nécessaires. Le règlement prévoit également une procédure de contestation propre aux directeurs. Ici, c’est cette procédure qui s’applique au directeur congédié.
Ainsi, l’arbitre indique que la convention collective demeure pertinente pour les normes de travail des directeurs. Ceux-ci conservent également « les privilèges du professeur, nommément la permanence d’emploi et de rang » (article 58 des Statuts de l’Université Laval). À la fin de leur mandat, les professeurs ex-directeurs redeviennent à nouveau visés par l’accréditation syndicale. Toutefois, l’arbitre note que pendant leurs fonctions de direction, ils sont exclus de l’accréditation. Conséquemment, ils n’ont pas droit à la représentation syndicale ni au grief.
L’arbitre conclu ainsi qu’on ne peut pas imposer à l’université de passer par la convention collective pour congédier un directeur de département. Ceux-ci en sont exclus et ils sont visés par les Statuts et les Règlements de l’université. Ce n’est pas parce qu’un directeur est congédié qu’il « change subitement de statut pour passer de cadre à syndiqué » (paragraphe 59 de la sentence arbitrale). Enfin, l’arbitre note que le directeur congédié avait ici eu l’option de démissionner de son poste de directeur pour bénéficier de la représentation syndicale en tant que professeur.
Commentaires
À noter que l’arbitre a distingué les présents faits d’une décision où un salarié avait eu une « affectation temporaire au poste de cadre » (paragraphe 68 de la sentence arbitrale, référence omise). Celui-ci avait alors pu bénéficier de ses droits de syndiqué.
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