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Photo du rédacteurThibaut Chabanet

Une université considère démissionnaire un chargé de cours qui refuse d’exécuter une tâche de travail

Dernière mise à jour : 18 juin

Un employeur met fin, unilatéralement, à sa relation de travail avec l’un de ses chargés de cours en considérant qu’il s’agit d’une démission. Démission ou congédiement, l’arbitre doit trancher et déterminer si des dommages sont dus.  

 

Sentence arbitrale rendue le 26 avril 2019  

  Université de Sherbrooke et Syndicat des chargées et chargés de cours de l'Université de Sherbrooke (SCCCUS), (Gaston Lachance), 2020 QCTA 670


Harcèlement psychologique – Démission – Réclamation de salaire – Convention collective - Congédiement déguisé - Chargé de cours


 

Faits : 

 

D’abord engagé comme professionnel, le réclamant est ensuite devenu chargé de cours à temps complet et assume la supervision de stages d’un programme. Par la suite, le réclamant obtient un contrat à durée déterminée à titre de chargé de cours à forfait à raison de 75% d’un temps plein dont le terme était prévu en 2017.  

 

Des désaccords surgissent entre le chargé de cours et son directeur notamment sur la mise en œuvre de recommandations d’un conseiller pédagogique, lorsque celui-ci vérifie la conformité du programme aux dispositions du Règlement des études de l’Université. Le programme est déjà conforme aux normes d’une association spécialisée et, selon le réclamant, les modifications proposées dénaturent complètement l’objectif du stage.  

 

Considérant qu’il est placé dans l’impossibilité de mener à bien sa mission, le chargé de cours en informe l’université lors d’une réunion avec le doyen de la Faculté. Celui-ci considère que le refus de mettre en œuvre les recommandations équivaut à une démission. L’arbitre affirme au contraire qu’il s’agit d’un congédiement et que ce dernier est excessif et injustifié. 

 

 

Analyse :  

 

Sur la démission

 

La démission est un acte clair et non équivoque par lequel un salarié rompt le lien d’emploi qui le lie à son employeur, tandis qu’un congédiement constitue la décision de l’employeur de mettre un terme à l’emploi d’un salarié.  

 

En l’espèce, l’arbitre considère que le chargé de cours a seulement refusé d’exécuter une tâche de travail, ce qui caractérise une insubordination. Dès lors, la rupture du lien d’emploi n’est pas une démission mais un congédiement déguisé.  

L’arbitre évalue la légalité de la sanction du congédiement déguisé à la suite de cette insubordination et conclu que cette sanction était excessive et injustifiée. Une suspension était suffisante. 


Sur le harcèlement psychologique 

 

Le harcèlement psychologique constitue une « conduite vexatoire qui humilie et blesse une personne dans son amour-propre, elle doit être répétitive, hostile et porter atteinte à la dignité et à l’intégrité, tout en entrainant un milieu de travail néfaste » (page 48 de la sentence arbitrale).  

 

En l’espèce, l’arbitre estime que le directeur qui a mandaté un conseiller pédagogique et demandé à ce que ses recommandations soient appliquées, s’en est tenu à son rôle de gestionnaire. Le plaignant n’est donc pas harcelé.  

 

À noter que la jurisprudence impose habituellement l’appréciation du harcèlement psychologique du point de vue objectif d’un salarié raisonnable dans la même situation. Tel était le cas dans l’arrêt récent Côté c. Tremblay, 2020 QCCA 344. Ici, l’arbitre semble avoir dérogé à ce principe en considérant plutôt le point de vue de l’employeur. Toutefois, sa sentence arbitrale n’a pas fait l’objet d’un contrôle judiciaire et a acquis force de chose jugée. 

 

Le congédiement du chargé de cours n’est pas justifié. L’arbitre ordonne sa réintégration, après une période de suspension. Mais faute d’entente entre les parties, le tribunal a de nouveau été saisi pour statuer sur les pertes de salaires.  

 

Sur les pertes de salaires

 

Pour déterminer si le réclamant est encore titulaire d’un contrat, l’arbitre est contraint d’utiliser les lois de la vraisemblance, de la probabilité et de la plausibilité. L’arbitre considère que le poste, initialement, avait été confié au réclamant en raison de son excellence et de son expérience. En 2017 et en 2019, le poste et les compétences n’ont pas changés et en vertu du principe « les mêmes causes produisent les mêmes effets », le contrat du réclamant aurait vraisemblablement été prolongé à nouveau. Dès lors, ses pertes de salaires ne s’arrêtent pas à l’expiration de son contrat initial.  

 

L’arrêt Carrier du 4 avril 2014, la Cour d’appel met en avant l’obligation de mitigation des dommages d’un salarié injustement congédié. Autrement dit, une obligation de moyen, de minimiser sa perte de salaire.  


En l’espèce, le chargé de cours a obtenu un autre emploi provisoire, ce qui suffit à l’arbitre pour considérer que son obligation de mitigation des dommages est respectée.  

 

L’arbitre a conclu à ce que le reste des salaires doit être versé.   




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